20/08/2010

Les aspects réglementaires et législatifs, ainsi que l'éducation des filles en quelques dates clefs

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Synoptique non exhaustif réalisé par Valérie Bourgeois (ECM 94), Annie Passeron (ECP 72), Madeleine Prévost (ECM 81)

"La mixité n’est pas une affaire de femmes. C'est une question de performance pour l'entreprise et tous ceux qui la composent"

Michel LANDEL - Directeur Général et Président du Comité Exécutif de Sodexo

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Pourquoi avez vous engagé des actions en faveur de la mixité au sein de votre groupe ? Qu'apporte la mixité ?
La mixité dans les entreprises n’est pas un choix, mais bien une obligation dans le monde actuel. Regardez les chiffres : aujourd’hui, 60 % des diplômés de l’enseignement supérieur sont des femmes, et pas seulement dans les pays développés : elles représentent 65 % en Syrie et 50 % en Arabie Saoudite par exemple. On sait également que 70 % des décisions d’achat sont prises par des femmes. Et, plus largement, il y a plus de femmes que d’hommes dans le monde !
Un groupe comme le nôtre, qui est au service de 50 millions de personnes chaque jour (dont une majorité de femmes) doit être composé d’équipes qui reflètent cette diversité.
La mixité, c’est donc avant tout un impératif business ; sans elle, on ne pourrait tout simplement pas répondre correctement aux besoins de nos clients. C’est aussi pour nous un incontournable défi d’avenir : pour soutenir nos ambitions de croissance, il nous faut recruter ou intégrer quelques centaines de milliers de collaborateurs dans le monde dans les 10 prochaines années, et nous ne pouvons pas nous passer du talent des femmes. Enfin, nous savons tous que la diversité (au sens large : âge, profil, origines, etc.) est bel et bien source d’innovation, de performance et de progrès. Ce lien a notamment été établi par McKinsey qui a fait plusieurs études remarquables sur le sujet (« Women Matter »).

Quels conseils donneriez-vous à un(e) dirigeant(e) qui souhaite engager de telles démarches ?
Un dirigeant doit d’abord s’être forgé une véritable conviction personnelle sur le sujet. Pour ma part, je suis convaincu que la diversité et l’inclusion sont un business case pour l’entreprise. Son engagement personnel direct est fondamental à la réussite du changement. Si l’on cesse de mettre la pression un instant, tout peut se relâcher… Enfin, il faut se donner les moyens de ses ambitions et investir dans la formation. Eduquer, former, est la base de tout.

Quelles sont les principales actions que vous avez mises en place ?
D’abord, il faut se donner des objectifs précis et mesurables. Ensuite, rendre l’entreprise plus inclusive signifie opérer un véritable changement de culture. La formation nous semble l’étape indispensable et le meilleur moyen d’engager les managers et d’acquérir des compétences. Au niveau du Groupe, la formation « Esprit d’inclusion », qui comporte un important volet sur le rapport hommes/femmes, a déjà permis à 25 000 managers de 10 pays d’être sensibilisés à l’enjeu de diversité et d’inclusion. Il s’agit d’un atelier d’une journée axé sur l’engagement intellectuel, émotionnel et pratique, qui permet à chacun de mettre en place un plan d’action personnel.
Nous avons également développé des programmes de mentoring (dont un programme de mentoring réciproque en Europe et le programme Spirit of Mentoring aux Etats-Unis et au Canada), et des opportunités de networking (avec du networking externe inter-entreprise puisque nous avons un partenariat avec le réseau EPWN, mais également l’existence de réseaux de femmes en interne).
Nous avons également créé en 2009 un comité de 20 femmes dirigeantes (le SWIFt : Sodexo Women’s International Forum for talent) qui me reporte directement et qui a pour objectif d’améliorer en continu notre stratégie de féminisation.
Enfin, il est indispensable de modifier les processus de gestion des Ressources Humaines, notamment sur le recrutement, et la flexibilité du travail.

Quels sont les principaux résultats (quantitatifs ou qualitatifs) ? Avez-vous eu des résultats inattendus ?
Aujourd’hui, les effectifs de Sodexo reflètent l’existence d’un plafond de verre : nous avons certes 54 % de femmes, mais le chiffre tombe à 44 % au niveau du management et 18 % dans le top 300. Nous nous sommes fixés l’objectif d’atteindre 25 % du Top 300 d’ici 2015. Ces chiffres progressent chaque année, ce qui est un signe que nos efforts paient. Mais ils ne progressent pas aussi vite que je le souhaiterais. C’est notamment pour accélérer nos progrès que nous avons créé le SWIFt dont je vous parlais plus haut.
A un niveau plus qualitatif, je suis heureux de voir de plus en plus d’initiatives individuelles lancées par des femmes qui souhaitent répondre aux enjeux de mixité qui se posent pour elles sur le terrain. Plusieurs réseaux viennent ainsi de voir le jour en Europe, dont trois en France, à l’initiative de femmes qui occupent des postes de management opérationnel et souhaitent par exemple créer des passerelles entre mondes opérationnel et fonctionnel pour promouvoir les carrières de femmes, ou bien inciter les femmes à progresser hiérarchiquement sur les sites, où seuls 15 % de nos responsables (en France) sont des femmes aujourd’hui.

Quels conseils donneriez-vous aux femmes ingénieurs, qui évoluent bien souvent dans des milieux très masculins ?
Je crois qu’il faut oser plus se mettre en avant. Un homme n’aura aucun scrupule à accepter un poste alors qu’il ne se sent pas forcément apte à 100 %. Une femme n’aura tendance à dire oui que si elle estime en être capable à 200%. Par ailleurs, participer à des réseaux me semble un excellent moyen de progresser, grâce à l’entraide, aux conseils, à l’échange sur les opportunités à saisir, les pièges à éviter, etc.

Notre revue est lue à 80% par des hommes. Y a t'il un message que vous souhaitez leur faire passer ?
Les hommes doivent accepter de ne pas savoir. Je suis un homme, je ne sais pas ce qu’est d’être une femme, c’est aussi simple que cela. Il faut en passer par cet exercice d’humilité pour commencer un dialogue constructif sur le sujet. D’où, une nouvelle fois, l’importance de la sensibilisation et de la formation.
Et puis les hommes doivent comprendre que le changement des habitudes et méthodes de travail au sein des entreprises pour les rendre plus inclusives s’adresse à tous. Hommes ou femmes, il existe un réel besoin partagé de bénéficier d’un meilleur équilibre entre le travail et la vie hors travail. Or on remarque que tous les aménagements du temps de travail, par exemple, restent de fait souvent adressés aux femmes. Dans mon entreprise, je milite pour favoriser l’égalité d’accès des hommes et des femmes à l’aménagement du temps de travail, pour le plus grand profit de tous : couples, enfants et entreprises. J’essaie de décomplexer les hommes sur le sujet : la prise de congé parental, le passage à temps partiel ne devraient plus être des sujets tabous pour les hommes. La mixité n’est pas une affaire de femmes. C’est une question de performance pour l’entreprise et tous ceux qui la composent.

Restez vigilant(e)s !

Armelle Carminati (ECL 85) est Directrice du Conseil en Organisation et Gestion des Talents d’Accenture France Benelux. .
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Elle a d’abord dirigé des missions de transformation dans les secteurs industriels ou de services, puis les activités d’Accenture Europe pour le secteur de la Distribution. Elle a créé, il y a dix ans, le programme interne et réseau externe "Accent sur Elles", destiné à favoriser la progression de carrière des femmes cadres. Armelle Carminati occupe également depuis 2006 le poste de Directrice Générale du Capital Humain et de la Diversité pour Accenture au niveau mondial

Avec les énormes avancées au niveau de leurs droits qu’ont acquis les femmes depuis la 2ème guerre mondiale, les françaises ont gagné égalité de droit et indépendance. En 65 ans, des droits fondamentaux ont été établis (droit de voter, de travailler sans autorisation maritale, d’avoir un compte en banque, de divorcer sans « faute », d’avorter, etc), mais depuis une dizaine d’années, la situation stagne.

Lorsqu’on regarde les chiffres, on est loin de l’égalité de fait : ni pour les salaires (plus de 25 % d’écart de salaire entre les hommes et les femmes, écart grandissant pour les cadres), ni pour l’accès aux métiers (10 des 84 filières métiers regroupent plus de la moitié des femmes), ni pour les temps de travail (elles occupent 85% des emplois à temps partiel et un tiers est subi), ni quant à leur place dans les directions d’entreprises (8% des CoDir, alors que les femmes sont plus diplômées que les hommes). Ces chiffres s’obstinent depuis 10 ans…

Qu’est-ce qui peut pousser une entreprise à engager une action de mixité ?
Avant de se lancer dans des programmes au féminin, tout comité de direction doit affuter les raisons propres à l’entreprise qui la pousse à vouloir durablement plus de mixité. Parmi celles-ci, on trouve souvent :
- Le besoin d’une plus grande performance par la cohabitation de profils plus divers : apport de points de vue différents, opposition créative, fin de l’appauvrissement par clonage. Une équipe multiculturelle met plus de temps à démarrer, mais a un plus fort potentiel.
- La guerre des talents : à tous les niveaux scolaires, les filles ont statistiquement de meilleurs résultats que les garçons : pourquoi se priver de tels talents ?
- Le besoin de ressembler à son marché : les femmes sont prescriptrices pour un grand nombre d’achats. Des équipes féminisées pourront donc mieux comprendre ces clientes potentielles.
A ces raisons économiques s’ajoutent souvent des raisons sociétales, politiques et démographiques : dans certains pays comme le Japon, l’Italie, ou l’Allemagne, il est très difficile pour une femme d’assumer socialement une vie de mère et une carrière. D’où un recul destructeur pour le pays de la natalité. Avec des modalités de garde et de carrière facilitées, les gouvernements et les entreprises font le pari que les femmes ne seront plus acculées à un choix d’opposition entre travail et famille, relançant le moteur démographique et donc la vitalité économique du pays.

Une fois la décision prise, quelle est la clef du succès d’un programme de mixité ?
Les solutions préconisées par Armelle Carminati portent sur deux leviers : le premier consiste à mobiliser les dirigeants (éclairés, convaincus et vigilants), le second est entre les mains des femmes (moins isolées, confiantes et engagées). Pour être efficaces, ces deux leviers doivent être mis en œuvre en simultané.
On comprend bien que c’est au plus haut niveau de l’entreprise que doit être forgé le premier levier. Mais qui en est l’initiateur, et pourquoi ? Pour un même objectif, chaque histoire est pourtant unique : un dirigeant, touché par une injustice sexiste dans son entourage, ou qui au contraire a une femme avec des responsabilités professionnelles importantes, ou bien de grandes filles talentueuses donc à carrière prometteuse, peut prendre soudain conscience du travail à réaliser dans l’égalité et la représentativité des femmes dans sa propre entreprise. Quant au second levier, ce sont parfois les femmes dirigeantes d’une entreprise qui se regroupent pour faire bouger la relève.

A quoi ressemble donc le programme Accent sur Elles ?
Le programme Accent sur Elles (fondé par Armelle Carminati) porte sur les deux leviers : c’est à la fois un programme au sein d’Accenture et un réseau féminin externe.
En interne, toute une batterie d’actions a été mise en place : dirigeants en comité de pilotage, revue de vigilance pour les carrières, ateliers de travail sur la gestion des aspirations, coaching. Le programme s’étend à l’international.
Le réseau d’Accent sur Elles est ouvert aux clientes et relations, cadres de grandes entreprises et administrations. Il propose des réunions autour de thèmes ou d’invités, et livre des témoignages de femmes et des recettes gagnantes. Accent sur Elles est également devenu incubateur d’autres réseaux féminins, qui rôdent leurs convictions avant de se lancer dans leur propre entreprise.

Pour Armelle Carminati, hommes et femmes sont semblables dans leurs potentiels mais conditionnés par des stéréotypes sur le rôle social de chacun, avec toutefois une différence : celle de la maternité qui peut provoquer des séismes en milieu professionnel.
Au-delà de ces facteurs universels, les attentes de la nouvelle « génération Y » rejoignent souvent celles des femmes (besoin de temps de respiration dans la carrière, envie d’équilibre vie pro/vie privée, moindre fascination pour le « pouvoir » mais recherche de « savoirs et de savoir-faire », …). Ces aspirations nous incitent à penser la promesse employeur autrement : l’entreprise va devoir s’adapter dans ses process RH et styles de management, ce qui est une formidable opportunité nouvelle, pour peu que la génération Y ne capitule pas trop vite en « rentrant dans le rang » compte tenu de la tempête économique mondiale.

Propos recueillis par Sylvie Bretones (ECM 96) et Christine Joder (ECL 80)