20/08/2010

Préface d'Anne Lauvergeon, Présidente du directoire d'Areva

Anne Lauvergeon.JPGLe grand historien militaire anglais John Keegan a coutume de dire qu’il renonce immédiatement à la lecture d’un ouvrage relatif à la bataille de Waterloo qui évoque ce qui se serait passé si… si Grouchy était arrivé à l’heure, si la reconnaissance du terrain avait été effectuée correctement, si…
On pourrait être tenté de renoncer immédiatement, pour des raisons comparables, à la lecture d’un cahier portant sur l’égalité femmes-hommes. Après tout, comment peut-on encore, en 2010, se poser cette question ! Cette égalité est proclamée par le droit. Elle se traduit lentement mais surement dans les faits puisque toutes les professions se féminisent à des rythmes différents. En France, comme partout dans le monde occidental, « des » femmes ont accédé à des postes encore réservés aux hommes il y a peu : premier ministre, spationaute, chef d’entreprise, juge, aucune profession, aucune responsabilité ne leur est désormais a priori inaccessible.
Et pourtant. Derrière ce constat encourageant, il existe une toute autre réalité pour « les » femmes. Elles travaillent autant et aussi bien mais leur rémunération est moins élevée, à responsabilité égale, que celle des hommes. Elles sont présentes dans l’entreprise mais moins nombreuses au fur et à mesure que le niveau de responsabilité s’élève. Ce fameux plafond de verre, que certains s’obstinent à ne pas voir, mais auquel bien des femmes viennent se heurter, existe encore.
Cette réalité impose qu’un travail considérable soit encore accompli pour faire évoluer les mentalités - des hommes et des femmes - afin que de nouvelles opportunités leur soient ouvertes, pour leur donner les moyens de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle, pour qu’elles puissent pleinement s’épanouir dans l’entreprise.
Mais si cet effort collectif est nécessaire, il n’est pas seulement justifié par le désir (légitime) de permettre l’égalité entre homme et femme. Il l’est au moins autant par la nécessité d’améliorer la performance de nos entreprises.
Une entreprise performante se doit d’être à l’image de la société dans laquelle elle évolue et elle ne peut se développer sans favoriser l’épanouissement de l’ensemble des talents qui la constitue. Il reste encore beaucoup à faire. Pour reprendre l’image qui illustre ce cahier des écoles Centrales, la course d’obstacles reste rude. Aujourd’hui, c’est aux entreprises de prendre le relais et de courir le sprint final. Le jeu en vaut la chandelle : au bout de l’effort il y a plus de performance pour tous.

Actualité : Quotas dans les Conseils d’Administration : la mesure qui a éveillé les consciences

Brigitte Gresy est inspectrice générale des affaires sociales et auteur du rapport préparatoire à la concertation avec les partenaires sociaux sur l’égalité professionnelle.

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L'Assemblée Nationale a adopté en première lecture le 20 janvier 2010 une proposition de loi visant à favoriser la parité entre les femmes et les hommes dans les conseils d'administration des grandes entreprises publiques ou cotées.

Pourriez-vous nous présenter les grandes lignes de cette proposition de loi ?
Quarante propositions figuraient dans le rapport préparatoire remis au Ministre du Travail en juillet 2009. Parmi ces propositions, la mesure la plus médiatisée a été celle qui impose un seuil de 40% de femmes dans les conseils d’administration des entreprises publiques et des sociétés cotées, dans les 6 ans à venir (actuellement 10% environ). Le non respect de ces quotas entraînerait la nullité des délibérations prises par le Conseil d’Administration, selon la proposition parlementaire de JF. Copé. Le passage au Sénat de cette proposition de loi devrait se faire en octobre 2010.
Cette mesure est celle qui a éveillé les consciences et fait l’effet d’un électrochoc. Il faudra néanmoins également avancer sur les autres axes de travail, et pas seulement sur la gouvernance dans les Conseils d’Administration. J’en vois deux :
• le champ de la négociation collective en simplifiant le code du travail et en déterminant des leviers d’action avec des objectifs chiffrés de progression, dans des domaines comme l’embauche, l’accès à la formation, l’accès aux postes de direction, la prise en compte de la parentalité,
• la qualité des emplois à temps partiel des femmes.
Des actions de sensibilisation et de communication devront être prévues ainsi que des sanctions financières si les objectifs ne sont pas atteints. Il s’agit toujours de convaincre et de contraindre.

Bien qu’il existe déjà des lois dans le domaine de l’égalité professionnelle entre hommes et femmes, la situation n’est pas satisfaisante en matière d’égalité professionnelle en entreprise. Qu’en pensez-vous ?
Il convient tout d’abord de rappeler qu’il y a des avancées. Le travail des femmes constitue la grande révolution des 20ème et 21ème siècles. En France nous avons un très fort taux d’activité des femmes (80% des femmes de 25 à 49 ans travaillent) et également un fort taux de fécondité. Les femmes françaises veulent travailler et avoir des enfants. Nous avons la chance en France d’avoir les écoles maternelles publiques et gratuites dès 3 ans. Il faut accompagner en France ce désir d’enfant et de travail.
Mais ce diagnostic doit cependant être nuancé :
- l’augmentation du travail des femmes se fait principalement sur la base du temps partiel et en Equivalent Temps Plein le travail des femmes n’a pas évolué depuis les années 90,
- on remarque une bipolarisation croissante des emplois féminins entre emplois peu qualifiés (femmes de plus en plus aspirées vers la précarité) et emplois qualifiés,
- la parentalité reste bancale : 40% des femmes pour seulement 6% des hommes voient leur carrière profondément bouleversée par l’arrivée d'un enfant (modifié depuis : source Pailhé Solaz).

Et comment faire bouger le monde familial et professionnel ?
Dans le monde du travail, le sujet de l’égalité professionnelle n’est souvent pas pris en compte dans les entreprises. En 2008, seulement 7,5 % des entreprises ont signé un accord sur l’égalité comme le leur impose la loi. D’où mes propositions sur la revitalisation de la négociation collective. Mais, au-delà, il faut lutter contre le sexisme ordinaire car la tolérance sociale au sexisme ordinaire est plus importante que celle au racisme ou à l’homophobie. Les femmes doivent entrer en résistance et débusquer les stéréotypes dans le monde du travail. Pour avancer, il y a donc la loi et la lutte contre les stéréotypes.

Comment limiter la diffusion d’images stéréotypées dans les médias ?
Les stéréotypes sont véhiculés par les médias, l’école, la famille et le travail.
Dans les médias, non seulement les femmes sont en nombre inférieur à celui des hommes, mais elles apparaissent souvent dans le rôle de témoins ou de victimes et non comme actrices du monde. La commission sur l’image des femmes dans les médias, sous la présidence de Michèle Reiser et dont je suis rapporteure travaille actuellement sur une démarche d’autorégulation des médias.

Propos recueillis par Madeleine Prévost (ECM 81) et Isabelle Pinault (ECM 02)

Nous saluons l’initiative de Voxfemina, association créée en janvier 2010, pour augmenter la visibilité dans les médias des femmes en position de responsabilité dans les domaines du monde des affaires (sur 28 minutes d’interviews d’expert à la radio, 27 minutes de parole masculine pour seulement 1 minute de parole féminine). http://voxfemina.asso.fr/fr

Les aspects réglementaires et législatifs, ainsi que l'éducation des filles en quelques dates clefs

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Synoptique non exhaustif réalisé par Valérie Bourgeois (ECM 94), Annie Passeron (ECP 72), Madeleine Prévost (ECM 81)