20/08/2010

Restez vigilant(e)s !

Armelle Carminati (ECL 85) est Directrice du Conseil en Organisation et Gestion des Talents d’Accenture France Benelux. .
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Elle a d’abord dirigé des missions de transformation dans les secteurs industriels ou de services, puis les activités d’Accenture Europe pour le secteur de la Distribution. Elle a créé, il y a dix ans, le programme interne et réseau externe "Accent sur Elles", destiné à favoriser la progression de carrière des femmes cadres. Armelle Carminati occupe également depuis 2006 le poste de Directrice Générale du Capital Humain et de la Diversité pour Accenture au niveau mondial

Avec les énormes avancées au niveau de leurs droits qu’ont acquis les femmes depuis la 2ème guerre mondiale, les françaises ont gagné égalité de droit et indépendance. En 65 ans, des droits fondamentaux ont été établis (droit de voter, de travailler sans autorisation maritale, d’avoir un compte en banque, de divorcer sans « faute », d’avorter, etc), mais depuis une dizaine d’années, la situation stagne.

Lorsqu’on regarde les chiffres, on est loin de l’égalité de fait : ni pour les salaires (plus de 25 % d’écart de salaire entre les hommes et les femmes, écart grandissant pour les cadres), ni pour l’accès aux métiers (10 des 84 filières métiers regroupent plus de la moitié des femmes), ni pour les temps de travail (elles occupent 85% des emplois à temps partiel et un tiers est subi), ni quant à leur place dans les directions d’entreprises (8% des CoDir, alors que les femmes sont plus diplômées que les hommes). Ces chiffres s’obstinent depuis 10 ans…

Qu’est-ce qui peut pousser une entreprise à engager une action de mixité ?
Avant de se lancer dans des programmes au féminin, tout comité de direction doit affuter les raisons propres à l’entreprise qui la pousse à vouloir durablement plus de mixité. Parmi celles-ci, on trouve souvent :
- Le besoin d’une plus grande performance par la cohabitation de profils plus divers : apport de points de vue différents, opposition créative, fin de l’appauvrissement par clonage. Une équipe multiculturelle met plus de temps à démarrer, mais a un plus fort potentiel.
- La guerre des talents : à tous les niveaux scolaires, les filles ont statistiquement de meilleurs résultats que les garçons : pourquoi se priver de tels talents ?
- Le besoin de ressembler à son marché : les femmes sont prescriptrices pour un grand nombre d’achats. Des équipes féminisées pourront donc mieux comprendre ces clientes potentielles.
A ces raisons économiques s’ajoutent souvent des raisons sociétales, politiques et démographiques : dans certains pays comme le Japon, l’Italie, ou l’Allemagne, il est très difficile pour une femme d’assumer socialement une vie de mère et une carrière. D’où un recul destructeur pour le pays de la natalité. Avec des modalités de garde et de carrière facilitées, les gouvernements et les entreprises font le pari que les femmes ne seront plus acculées à un choix d’opposition entre travail et famille, relançant le moteur démographique et donc la vitalité économique du pays.

Une fois la décision prise, quelle est la clef du succès d’un programme de mixité ?
Les solutions préconisées par Armelle Carminati portent sur deux leviers : le premier consiste à mobiliser les dirigeants (éclairés, convaincus et vigilants), le second est entre les mains des femmes (moins isolées, confiantes et engagées). Pour être efficaces, ces deux leviers doivent être mis en œuvre en simultané.
On comprend bien que c’est au plus haut niveau de l’entreprise que doit être forgé le premier levier. Mais qui en est l’initiateur, et pourquoi ? Pour un même objectif, chaque histoire est pourtant unique : un dirigeant, touché par une injustice sexiste dans son entourage, ou qui au contraire a une femme avec des responsabilités professionnelles importantes, ou bien de grandes filles talentueuses donc à carrière prometteuse, peut prendre soudain conscience du travail à réaliser dans l’égalité et la représentativité des femmes dans sa propre entreprise. Quant au second levier, ce sont parfois les femmes dirigeantes d’une entreprise qui se regroupent pour faire bouger la relève.

A quoi ressemble donc le programme Accent sur Elles ?
Le programme Accent sur Elles (fondé par Armelle Carminati) porte sur les deux leviers : c’est à la fois un programme au sein d’Accenture et un réseau féminin externe.
En interne, toute une batterie d’actions a été mise en place : dirigeants en comité de pilotage, revue de vigilance pour les carrières, ateliers de travail sur la gestion des aspirations, coaching. Le programme s’étend à l’international.
Le réseau d’Accent sur Elles est ouvert aux clientes et relations, cadres de grandes entreprises et administrations. Il propose des réunions autour de thèmes ou d’invités, et livre des témoignages de femmes et des recettes gagnantes. Accent sur Elles est également devenu incubateur d’autres réseaux féminins, qui rôdent leurs convictions avant de se lancer dans leur propre entreprise.

Pour Armelle Carminati, hommes et femmes sont semblables dans leurs potentiels mais conditionnés par des stéréotypes sur le rôle social de chacun, avec toutefois une différence : celle de la maternité qui peut provoquer des séismes en milieu professionnel.
Au-delà de ces facteurs universels, les attentes de la nouvelle « génération Y » rejoignent souvent celles des femmes (besoin de temps de respiration dans la carrière, envie d’équilibre vie pro/vie privée, moindre fascination pour le « pouvoir » mais recherche de « savoirs et de savoir-faire », …). Ces aspirations nous incitent à penser la promesse employeur autrement : l’entreprise va devoir s’adapter dans ses process RH et styles de management, ce qui est une formidable opportunité nouvelle, pour peu que la génération Y ne capitule pas trop vite en « rentrant dans le rang » compte tenu de la tempête économique mondiale.

Propos recueillis par Sylvie Bretones (ECM 96) et Christine Joder (ECL 80)

19/08/2010

L'avis des dirigeants des Ecoles Centrale

Hervé Biausser, directeur de Centrale Paris (ECP 73)
Patrick Chedmail, directeur de Centrale Nantes (ECP 73)
Etienne Craye, directeur de Centrale Lille (ECLi 84)
Carole Deumie, directrice des études de Centrale Marseille (ECM 93)
Marie Annick Galland, directrice des études de Centrale Lyon (ECL 84)


Le taux de filles des cinq Ecoles Centrales, généralistes, est plutôt élevé, entre 20% et 30% en fonction des écoles. Ce taux est plutôt stable à Paris, progresse de façon régulière à Lyon et Nantes, plus lentement à Lille ; il est plafonné par celui des classes prépa.
Aussi, les écoles ne mènent pas d’actions pour plus recruter de jeunes filles, mais plutôt pour faire connaître le métier d’ingénieur. P. Chedmail : « Il faut travailler sur l’ambition dès les petites classes, auprès des instituteurs, plus tard auprès des conseillers d’orientation ». MA. Galland : « c’est avant tout un problème de société ». C. Deumie : « Il faut revaloriser le métier d’ingénieur auprès des filles, montrer son côté sociétal. Les jeunes filles ne voient pas le côté social, l’utilité pour la société du métier d’ingénieur ; la technique c’est froid ! ». Etienne Craye : « Nous allons dans les lycées, en accord avec les rectorats, ce n’est pas une action spécifique de Centrale Lille, mais collective, en partenariat avec l’Uris et la Confédération Régionale des Grandes Ecoles ». H. Biausser : « Les jeunes filles manquent de confiance en elles et pensent qu’il faut sur-exceller pour entrer dans les filières scientifiques ; bien souvent elles ne réalisent pas que cette filière assure de trouver un emploi, et c’est un argument auquel elles sont pourtant sensibles. Par ailleurs, la prépa doit certainement évoluer sur les programmes, sans concession sur l‘excellence scientifique, la CGE est interrogée sur la diversité, elle le sera également sur la parité ».

En corollaire, au sein des Ecoles Centrales, les options dans lesquelles on trouve proportionnellement plus de filles sont les suivantes : la chimie, la santé, l’environnement, les nanotechnologies, le génie des procédés, l’énergie du vivant. Centrale Lyon a monté en partenariat avec l’Université de Lyon une option « Ingénierie et Médicaments » : 100% des élèves de la filière sont des femmes (sic). L’option BTP attire aussi proportionnellement plus d’étudiantes. P. Chedmail : « Est-ce le côté challenge ? », MA. Galland : « ou les aspects concret et bâtisseur » ; H. Biausser y voit une combinaison de « contact humain, projet concret et international ».

Les directeurs et directrices interrogés ne dénotent pas d’aspirations différentes entre filles et garçons. A Centrale Lyon, en première année, les élèves font une enquête découverte auprès de professionnels. MA. Galland note que « les jeunes filles se préoccupent beaucoup de la conciliation vie professionnelle / vie privée, ce qui n’est pas le cas des garçons ». Les Ecoles n’ont pas de chiffre précis, et pourtant, l’écart de salaire lors de la première embauche reste une réalité !

Enfin, à la question « Quel conseil donneriez-vous à vos étudiantes ? Serait-ce le même que celui donné à vos étudiants ? », E. Craye et H. Biausser donnent les mêmes conseils, « avec peut être un point de vigilance sur le recrutement (notamment sur la question des enfants) » pour E. Craye. H. Biausser complète : « je donne les mêmes conseils, si toutefois j’avais un conseil particulier à donner aux étudiantes, je leur dirai d’être attentive à leur carrière, d’être en réseau ». Les directrices adressent en particulier les messages suivants : C. Deumie : « Accepter vos différences et croyez en vos capacités », « ne sacrifiez pas une vie par rapport à l’autre ». MA Galland : « sachez mettre des priorités, rien n’est figé ; soyez adaptables ».

Propos recueillis par Sylvie Bretones (ECM 96)

Table ronde : l'avis des Centraliennes

Après une analyse des thèmes de fond auprès d’experts et professionnels, nous abordons maintenant le sujet sous un nouvel angle. Place aux itinéraires personnels : être une femme, frein ou levier de réussite ? Y a t-il des astuces pour bien mener sa carrière ? Faut-il imposer la mixité ? Quels conseils donner ? …
Sept Centraliennes expérimentées, aux parcours variés, cadre dans une multinationale, créatrice d’entreprise industrielle, de coaching, ont accepté de se prêter aux jeux des questions / réponses avec nous.


Thècle Crouzet (ECM 76), associée SFcoach
Séverine Daguillon (ECP 93), 16 ans d'expérience dans l'ingénierie pétrolière
Bénédicte Guy (ECLi 95), assistance technique à l'exploitation de stations de traitement chez Degrémont
Véronique Jaffé (ECM 96), responsable Marketing Commercial Eurocopter
Corinne Jaxel (ECLi 85), fondatrice et gérante de la société ESTH '' Entreprise Services THermiques ''
Karoline Keene (ECL 99), directeur marketing Dynamics chez Microsoft France
Isabelle Loupot (ECN 81), conseil indépendant en finance d’entreprise.


Professionnellement, quelles sont vos principales motivations et sources de satisfaction?
La motivation provient d’abord du plaisir de travailler dans un secteur et un environnement qui plaisent. « J’ai la chance de pouvoir travailler sur un produit magnifique et techniquement très intéressant pour un ingénieur. De plus ma fonction est surtout orientée contact interne et client. » Elles aiment porter des projets, les voir aboutir. « Avoir le sentiment de faire avancer les choses et gérer des équipes ». Elles ont besoin de donner du sens à leur carrière, de se réaliser et n’hésitent pas à changer. « Mon mari et moi sommes très fiers d’avoir démarré notre activité de zéro…être notre propre patron est pour nous une grande source de satisfaction ». « J’ai besoin que mon métier ait du sens. C’est ce qui m’a poussée à 44 ans à changer complètement de métier en passant du commercial informatique aux ressources humaines et au coaching…me sentir utile en apportant aux autres quelque chose qui est important pour eux». Enfin, unanimement, elles recherchent et favorisent la relation avec autrui, en terme de développement, d’adhésion et de reconnaissance : « faire progresser les personnes avec lesquelles je travaille », « faire émerger un projet par une équipe…voir évoluer les personnes autour de moi ».

Quels freins, intrinsèques ou extrinsèques, avez-vous connus ? Comment les avez-vous contournés ?
La diversité des itinéraires se reflète dans la diversité des réponses.
Les Centraliennes interrogées n’hésitent pas à aborder des freins liés à leur personnalité combinés au désir de préserver l’équilibre familial. « J’aspire à plus d’équilibre entre une vie professionnelle bien remplie et plus de temps avec ma famille, un 4/5ème serait idéal… mais je n’ai pas encore franchi le pas … j’ai peur de la réaction de la société qui risque de ne plus me considérer dans la ‘top league’ ». Difficile aussi de se projeter sans modèle « Pas de rencontre marquante avec des personnes susceptibles d'apporter un éclairage ou des conseils sur le déroulement de ma carrière ». Elles évoquent, par ailleurs, la difficulté à certaines périodes de la vie de suivre le modèle de performance imposé ‘anytime, anywhere’ : « Quand les enfants sont jeunes, il est difficile de justifier d’une certaine disponibilité en regard des confrères hommes. Ce n’est pas le travail qui en souffre mais la vie sociale, l’engagement dans un certain nombre de réseaux, tout ce qui est partagé, décidé en dehors du cadre formel de l’entreprise. Ce manque d’accès à ces circuits organisationnels de la société fait la différence au niveau des entrées en management ». A contrario, les Centraliennes témoignent aussi que ces freins peuvent constituer de véritables atouts de la réussite.
Dans les milieux techniques, faute de mixité, les hommes testent les femmes avant de leur accorder leur confiance, voire refusent l’encadrement féminin. Ce fait favorise la combativité et forge le caractère. « Nécessité de faire preuve de mes compétences » « que je peux leur apporter quelque chose personnellement »« je n’avais pas le droit à l’erreur...je devais en faire deux fois plus qu’un homme pour évoluer. Tout cela m’a servi à progresser et à prendre de l’assurance». Enfin, alors que s’extraire de la norme peut s’avérer difficile, être une femme au milieu d’hommes est une différence, à valoriser si l’entreprise ne le fait pas. « Pas de frein réel à ma progression … travaillant dans une grande entreprise américaine qui place la ‘diversité’ en bonne liste des priorités des Ressources Humaines, le fait d’être un manager femme et identifiée comme ‘high performer’ est un atout». « Pas facile de s’imposer lorsqu’on on est jeune, femme et blonde mais le travail et la maîtrise des dossiers permettent de se faire reconnaître par ses pairs. L’inconnu fait toujours peur et il est normal d’avoir des réactions de rejet : l’écoute, le respect et un peu d’audace font la différence. Les femmes ont vraiment comme atout leur différence, il faut en jouer plutôt que d’essayer de se mettre à égale c'est-à-dire en compétition. Les femmes prennent toujours en compte l’aspect humain des choses, ce qui manque dans un environnement masculin…S’intégrer au système sans essayer de le forcer. »

Comment conciliez-vous votre vie professionnelle avec votre vie de famille ?
La clé de la réussite réside dans l’organisation individuelle et l’anticipation, tant sur le plan familial que professionnel. Choisir « une employée à domicile », « une jeune fille au pair » et « déléguer, mettre à contribution le reste de la famille ». « J’ai un mari très compréhensif ! ». Professionnellement, fixer des limites. «Savoir s’imposer sans brusquer... Ne pas fermer une porte sans en ouvrir une autre afin de ne pas créer de frustration. Etre subtile… ». Trouver des solutions adaptées à chaque situation et gagner en agilité, en efficacité, être en télétravail, s’approprier les nouvelles technologies. « C’est le gros challenge !!! J’ai la chance de travailler dans les nouvelles technologies et ma société nous équipe pour le travail à domicile». « Je suis à l’affût de tous les outils qui peuvent me faciliter la vie ». « Je suis mon propre patron, j’organise mes horaires suivant les besoins et c’est l’idéal. »

Avez-vous (eu) un modèle ou un mentor ? Sinon, cela vous manque-t-il ?
Beaucoup n’ont pas eu de modèle, de mentor et trouvent cela « plutôt négatif » ; elles auraient apprécié la « possibilité d’être guidée, de recevoir des conseils » qu’on leur donne des trucs et astuces pour « gérer au mieux les contraintes familiales». « Cela m’aiderait si je pouvais échanger avec une femme avec 10 ans d’expérience de plus qui est passé par mon stade actuel…». D’autres suivent des modèles familiaux, « mon frère aîné », « ma maman ». « De plus, il y a certaines femmes dans l’entreprise que je côtoie qui peuvent être source d’inspiration, on les respecte, on les écoute, elles sont rares mais il suffit d’une pour voir que c’est faisable et s’en inspirer. » Notons que sur ces quelques retours, il y a une cohérence entre la présence d’un modèle et l’aisance à transformer les freins en atouts.

A quels réseaux professionnels participez-vous ? Sinon, pourquoi ?
Avec des enfants, l’implication dans les réseaux s’avère difficile par manque de temps ou par méconnaissance : quelques participations notées aux Associations de Centraliens, aux corporations obligatoires : « Par manque de temps, je ne participe pas réellement à des réseaux professionnels, alors que j'ai bien conscience que ces réseaux sont le booster d'une carrière. » « Je travaille de 8h à 19h sans pause déjeuner la plupart du temps et je retravaille en moyenne une à deux heures le soir… où caserais-je la participation à des réseaux professionnels ? »
« L’élément déclencheur arrive avec l’autonomie des enfants », « lors de la prise de conscience qu’on est trop concentrée sur son environnement immédiat de travail, qu’on a besoin de communiquer à l’extérieur, besoin d’oxygène ». « Depuis quatre ans, je partage différentes expériences grâce aux réseaux, cercle Olympe, business angels, association des diplômés HEC ». « Aujourd’hui, j’appartiens au réseau Entreprendre Nord qui me permet d’accompagner de jeunes créateurs d’entreprise. Je travaille en réseau avec d’autres consultants…»


Avez-vous eu l’opportunité de faire avancer les choses ? Comment ?
Alors que certaines « ne pensent pas avoir eu l’opportunité de faire avancer les choses », d’autres s’impliquent au quotidien à divers niveaux. « Je témoigne régulièrement pour mon entreprise, je suis membre actif de l’association ‘Elles bougent’ qui promeut les carrières scientifiques chez les femmes. J’ai aidé ma filleule de l’association à débuter sa carrière». « J’ai fait avancer les choses en défendant mes convictions auprès de mes employeurs mais je reconnais que cela demande beaucoup d’énergie et sans avoir toujours de reconnaissance... mon métier actuel me permet peut être plus d’efficacité car j’aide les femmes à progresser en fonction des besoins des entreprises, et les résultats dépassent parfois tous les espoirs». « Dès que j’ai été en position de management, j’ai eu des équipes mixtes et recruté des femmes. Equilibrer les équipes, cela est très constructif. J’ai toujours été vigilante à ne pas avoir d’écart de salaire lié au genre dans mes équipes». « …Avoir la chance de faire ses preuves, je suis pour. Je coache beaucoup de femmes, repérées comme haut potentiel, qui amènent une autre vision de l’entreprise, étant plus pragmatiques et avec souvent une forte sensibilité. Leur permettre d’enrichir la vision des dirigeants, au plus haut niveau de l’entreprise, me semble être une formidable opportunité de regarder le monde du travail autrement. ».

Qu’aimeriez-vous voir demain ?
Les propositions sont nombreuses !
Avant tout, la flexibilité semble le facteur clé de la réussite, de la bonne conciliation entre la vie professionnelle et familiale, pour les femmes et pour les hommes. Au quotidien, il s’agit d’autoriser « plus de souplesse dans l'organisation du travail, la possibilité de télétravail » de temps partiel, avec « un poste intéressant…en restant sur la liste des promotions annuelles potentielles ». « J’aimerais que les pères puissent dire aussi qu’ils partent chercher leurs enfants à l’école». La flexibilité, c’est aussi tout au long de la carrière, ce qui suppose une évolution de la politique des Ressources Humaines vers plus de souplesse pour tenir compte des différents parcours et non des critères figés d’identification des hauts potentiels : « suppression des "limites d'âge" dans les évolutions de carrière : la vie de famille est souvent plus prenante dans le créneau où les carrières se jouent (30-40 ans) - il faudrait que l'on arrête de penser (surtout avec l'allongement du nombre d'années de travail qui se profile !) qu’aucune évolution n'est possible après 40 ans». Basculer du modèle de leadership ‘anytime, anywhere’ à la culture du résultat pour ne pas culpabiliser, ne pas pénaliser les horaires flexibles, les interruptions de carrière : « J’aimerais que les femmes soient reconnues pour leur juste valeur …qu’aucune femme ne redoute et ne culpabilise d’annoncer une grossesse à sa hiérarchie, qu’elle puisse retrouver son poste et ses fonctions à son retour de maternité... »
Elles évoquent aussi le besoin de plus de transparence, de communication sur les indicateurs de mixité : « indicateurs sur les salaires », « rendre les formations longues plus accessibles aux femmes ». Et enfin, le développement du coaching : « Je crois beaucoup au travail de développement personnel qui permet à la personne de mieux comprendre sa valeur ajoutée mais aussi ses motivations profondes, inscrivant ainsi son parcours et ses choix professionnels dans une vision large de la vie et du sens de la vie…plus le management s’inscrira dans une meilleure compréhension de ce qui fait l’efficacité des collaborateurs, plus il se formera, mieux le capital Humain sera utilisé».

Avez-vous une anecdote à nous raconter ?
Qui n’a pas un jour souri à un lapsus révélateur ? « Une réunion, je suis la seule femme et on me demande si c’est moi qui prend les ‘Minutes of Meeting’…inutile de vous dire quelle a été ma réponse». Ou rencontré quelques difficultés ? « Lorsque j’ai voulu créer la société à mon nom, la chambre des métiers d’Alsace a été très sceptique. J’ai dû me rapprocher de l’école pour justifier qu’il y avait des cours de soudage en atelier… Merci Centrale Lille ».
Mais les parcours professionnels révèlent aussi de belles surprises : « Au moment où Thomson retenait ma candidature, j’ai appris que j’étais enceinte…mon futur hiérarchique n’a vu aucun problème à m’embaucher… L’accueil, qui m’a été fait, m’a motivée plus que de raison pour répondre à ma mission». « J’ai passé 7 ans en Angleterre … la maturité vis-à-vis des nouveaux modes de travail est bien plus avancée que chez nous. 2 personnes faisaient un « job share » pour un poste de « directeur marketing » travaillant chacune 3 jours par semaine donc avec une journée d’ « overlap »… je serais prête à ce genre de partage en n’étant payé qu’à 50%, c’est tout bénéfice pour l’entreprise qui a des ressources pour 6 jours mais n’en paye que 5 ! »

Pour conclure, quels conseils donneriez-vous à une jeune Centralienne ?
« Rester soit même, faire ce qui plaît, bien travailler, étudier ses dossiers et ne pas avoir peur de montrer sa valeur ajoutée et sa touche personnelle. S’épanouir c’est se lever le matin et être heureuse d’aller au bureau. Ne pas se freiner, pourquoi pas moi ? Les Centraliennes ont de bons bagages techniques, ce sont de vrais atouts, une clé passe-partout …nous nous adaptons vite. Ne pas hésiter à s’écouter et changer, car au fil des années nos envies et attentes changent. Si quelque chose ne va pas, le signaler, ne pas se laisser enfermer. Ne pas se sous-estimer ni se surestimer. Fixer les limites avec son entourage et sa hiérarchie c’est aussi leur donner les moyens de vous respecter. Bref rester soi-même et l’éternel ‘charme féminin’ fera le reste ». Que dire de plus ? « Foncer », « savoir saisir les opportunités qui se présentent, même si on ne se sent pas toujours prête, car elles ne se représenteront pas forcément ». « Prendre le temps de réseauter dans son travail ». « Etre consciente que concilier vie de famille et vie professionnelle menées tambour battant n'est pas chose aisée pour faire les bons choix». « Cherchez à comprendre qui vous êtes, ce que vous cherchez dans le travail, écoutez beaucoup et questionnez beaucoup pour développer votre tolérance et mieux comprendre votre environnement, cherchez à découvrir les autres logiques existantes, et sachez affirmer votre valeur ajoutée. »

Propos recueillis par Valérie Bourgeois (ECM 1994)